Deuil périnatal... et après ?

Il y a des sujets plus délicats à traiter que d’autres, le deuil périnatal en fait parti. Cependant, 7000 familles sont touchées chaque année par le décès de leur enfant pendant ou juste après la grossesse. Ce sujet, peu abordé, Cindy Dischler, maman d’Aloïs, Hari et Axel, a souhaité nous en parler afin de lever le voile sur ce tabou. Cindy a créé avec son mari l’association Le Petit Monde d’Hari , en hommage à leur fils Hari, afin d’offrir aux services de néonatalogie de la région Grand-Est tout l’équipement de confort dont les parents ont besoin. 

Elle nous livre un témoignage empreint d’amour et de pudeur afin de dire à tous les parents qui font face à un deuil périnatal, que l’on peut être heureux de nouveau, que l’on peut continuer à avancer et que, même si votre enfant est dans vos pensées chaque jour, la vie peut continuer...

Cindy, Mickaël, Aloïs et Axel

Cindy, Mickaël, Aloïs et Axel

Pouvez-vous nous en dire quelques mots sur vous et sur votre famille ?

Je suis Cindy Dischler, j’ai 38 ans, je suis mariée à Michael avec qui j’ai 3 enfants, Aloïs, Hari et Axel.

Quand nous avons décidé d’avoir un enfant, nous nous sommes rendus compte que ça allait être plus compliqué que prévu. Nous avons dû passer par une PMA qui, par chance, a fonctionné immédiatement. Nous avons rapidement appris qu’il y avait 2 bébés. Ayant moi-même une soeur jumelle, j’étais folle de joie. Tout se passait bien jusqu’à l’échographie morphologique réalisée à 20 semaines d'aménorrhée. Cette échographie est une étape très importante dans la grossesse car elle permet de déceler d’éventuelles malformations foetales.

Que se passe-t-il ensuite ?

C’est donc lors de cette échographie que l’on découvre qu’un des jumeaux est plus petit que l’autre. Après cette échographie, nous avons attendu 3 semaines avant d’en refaire une et cette dernière va confirmer le retard de croissance d’Hari. Les échanges entre le cordon et le placenta se font mal et c’est pour cela que mon fils a ce retard de croissance.

On va alors me demander de rentrer chez moi et de rester allongée avec cette consigne : si je ne sens plus un de mes bébés bouger il faut absolument me rendre à la maternité. A 27 semaines d’aménorrhée,  je ne sens plus Hari et j’ai un début de pré-éclampsie. Je suis donc hospitalisée d'urgence à l'hôpital Hautepierre de Strasbourg où je subis alors une césarienne d’urgence une semaine plus tard. Hari pèse 725g et Aloïs 1.2 kg. Nous allons alors découvrir l'éprouvant parcours de la néonatalogie. Les protocoles d’hygiène sont très lourds, nos enfants font infections sur infections, nous les voyons souffrir et nous nous sentons terriblement impuissants. Malgré tout nos fils se battent comme des lions !

Comment se passe la vie à l’hôpital ?

Je tiens à souligner que nous avons eu la chance d’être suivis à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg. A proximité se trouve une maison Ronald McDonald. Cette maison nous permet d’avoir un lieu où nous reposer tout en restant au plus près de nos enfants. Pour nous, c’était extraordinaire de pouvoir rester si proche d’eux. Cependant, j’avais toujours une appréhension avant de retourner voir mes enfants à l’hôpital, alors je passais un coup de fil avant de partir, même si j’étais à côté. Pourquoi ? Tout simplement parce que pendant le trajet entre la maison et le service de néonatalogie, on s’imagine mille choses, si le personnel soignant met du temps à ouvrir la porte, on imagine le pire. Donc en appelant avant je savais à quoi m’attendre.

Il faut savoir que la vie en néonatalogie, c’est les montagnes russes émotionnelles. Un jour on vous annonce que votre bébé va bien, le lendemain c’est l’inverse. 

A ce moment là, Hari est toujours dans le service de réanimation alors qu’Aloïs est déjà passé en soins intensifs. On m’annonce que si l’état d’Hari reste stable dans les prochaines 48h, il pourra rejoindre son frère et que nous pourrons tous retourner à Colmar. Cependant, je vois bien que quelque chose ne va pas chez Hari, mais personne ne semble le voir à part moi. 

Il s’avère que nous allons recevoir un appel du service de réanimation le lendemain matin très tôt nous demandant de venir rapidement. Hari fait une septicémie, il s'éteint dans nos bras… c'est l'horreur, nous sommes choqués, anéantis… Et ce même jour, Aloïs n’a plus eu besoin d’oxygène. J’aime y voir un signe de la part d’Hari. La dualité des sentiments… Pleurer un fils et se réjouir des progrès de son autre enfant… c'est terriblement éprouvant. 

Mais il fallait continuer, prendre soin d’Aloïs qui allait de mieux en mieux. Je me suis beaucoup documentée sur les jumeaux esseulés, ayant moi-même une jumelle, je voulais l'accompagner au mieux sur le chemin du deuil de son frère. Aujourd’hui, Aloïs parle de Hari,  il pleure parfois…., il réalise et à extériorise la perte de son frère seulement maintenant. C’est quelque chose dont personne ne parle… peu de gens peuvent l'imaginer, excepté nos proches. Mais le chemin est long, il n'est pas fini, il faut du temps… toute une vie même, mais on apprend à vivre avec et Aloïs y arrivera aussi, nous l'accompagnerons du mieux possible sur ce chemin, entouré de notre amour. 

Et après ?

Après, j’avais réellement besoin de parler, de partager avec des personnes qui avaient vécu la même chose que nous. Il existe de merveilleuses associations qui soutiennent les parents qui vivent un deuil périnatal. Ca m’a fait beaucoup de bien et j’avais besoin d’entendre que les choses iraient mieux. Qu’un jour nous serions à nouveau heureux.

D’ailleurs, les moments de bonheur, je les vivais à 200%. Je ne culpabilisais pas de rire ou d’avoir des moments heureux. Je les vivais à fond en me disant que ça me servirait de carburant pour les moments plus durs. Je savais que ces moments étaient temporaires alors j’en profitais à fond. J'appelle ces moments "les moments d'apaisement". 

Et maintenant, bébé Axel est là, il a 6 mois, c’est notre bébé arc en ciel, notre bébé bonheur. Nous avons mis un peu de temps à l’avoir car nous voulions profiter d’Aloïs qui avait besoin de nous. De nouveau, nous avons dû avoir recours à une PMA. Cette fois, nous avons souhaité une FIV pour être sûres de n’avoir qu’un seul enfant. Je ne voulais pas revivre une grossesse multiple. Et de nouveau j’ai été enceinte du premier coup. Evidemment j’ai vécu une grossesse très angoissée, jusqu’à 28 semaines. Ensuite j’ai pu souffler un peu. Et le confinement est arrivé. J’ai accouché seule, le travail a été très long, avec un masque, c’était rude. Mais une fois mon bébé sur moi, dans mes bras, c’était merveilleux. Axel nous comble de bonheur, son frère l’adore et aujourd’hui, nous pouvons le dire, nous sommes heureux. 

Aujourd’hui, il me semble important de témoigner pour dire à tous les parents qui vivent ce drame que le bonheur revient, si on lui laisse de la place. Après la mort de son enfant , on a l’impression de perdre pied, de devenir fou et c’est normal. Mais si j’avais un seul conseil à donner aux paranges, ce serait de parler ! Ne gardez surtout pas tout ce que vous avez sur le coeur pour vous. Ce qui s’est passé n’est pas de votre faute, vous n’y êtes pour rien même si vous êtes certains du contraire. Et surtout, regardez vous avec bienveillance… 

Me concernant, j’ai culpabilisé, je pensais que c’était ma faute, que mon corps m'avait fait défaut, que je n'avais pas su porter mais bébés… mais dans ces moments de tristesse immense, mon mari m'a été d'un immense soutien… son amour et sa présence ont été salvateurs pour moi. Il ne faut surtout pas hésiter à faire du tri autour de soi. Les personnes négatives, néfastes, énergivores sont à sortir de vos vies. Il faut se protéger au maximum. 

Et pour le couple ?

Beaucoup se séparent après un tel drame. Chacun vit son deuil différemment. Le père et la mère ne vivent pas les mêmes phases au même moment. Lorsque l’un pleure et souhaite parler, l’autre n’a pas forcément envie de l’accompagner à ce moment là. Tout ça est normal. Et là encore, il faut faire preuve de bienveillance et d’amour. Concernant notre couple, ça nous a rapproché même si tout n’a pas été facile. 

Focus sur l’association “Le Petit Monde d’Hari”

Nous avons créé l’association un an environ après le décès d’Hari. Pour mon mari et moi, c’était un moyen de donner un sens à la perte de notre enfant. 

L’association nous fait beaucoup de bien, parce que Hari continue de vivre à travers nos actions.

Le but de l’association est d’équiper les services de néonatalogie du Grand-Est en matériel à destination des parents et des enfants. Le but est de leur apporter du confort et du réconfort, d'humaniser cet environnement froid et hautement médicalisé mais également de renforcer le lien parents-enfants. 

Notre premier objectif était de soutenir les services de néonatalogie de Strasbourg Hautepierre. Pour nous, c'était l'hôpital qui avait vu naître Aloïs et Hari, mais aussi celui où nous avons laissé une partie de notre cœur… Après avoir recensé les besoins auprès des équipes soignantes, nous avons réussi à trouver les fonds rapidement en multipliant les actions comme des soirées de gala, Marchés de Noël, Concours, … Nous étions plein d’énergie pour trouver ces fonds et surtout très bien entourés… Sans  l'aide de nos amis et notre famille, nous n'aurions pas pu y arriver…. Au final, nous avons livré pour 10 000 euros de matériel à Strasbourg : couvres couveuse, chauffes biberons, mobiles, thermomètres, lecteurs CD et coffrets comptines, gigoteuses, etc. Puis, chaque année depuis, nous répondons aux besoins de nouveaux services. Depuis 2016, nous avons soutenus Saverne, Haguenau, Mulhouse et Colmar. Et ce n'est pas fini… 

Aujourd'hui, je peux le dire, oui nous sommes heureux. Aloïs et Axel nous comblent de bonheur. Hari nous manque chaque jour, mais grâce à l'association, notre petit ange a trouvé sa place au sein de notre famille. Il sera pour toujours dans nos cœurs et nos pensées. Il veille sur nous de son petit nuage, j'en suis persuadée… 







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